Billet réalisé à partir des notes de voyage de Guy à Surdulica du 26 novembre au 30 novembre 2019
26 novembre 2019
Accueil à l’aéroport de Skopje (Macédoine du Nord) par Nénad, fonctionnaire au service communal des Finances, parlant anglais et Marko, chauffeur.
Une heure et demie d’autoroute et arrivée à l’hôtel.
27 novembre 2019
J’assiste à une réunion à la mairie avec le Maire de la commune de Surdulica Zoran Mitic, Snezana Inspectrice à l’Environnement, Cole membre de la Commission environnementale de la Commune, une professeure d’anglais, traductrice (qui m’excusera peut-être de n’avoir pas noté son nom), et Nenad. Après avoir fixé les objectifs de cette visite, je remets les poupées réalisées par Danielle et nous parlons ensuite des prochaines rencontres avec la population. Plusieurs entretiens sont prévus, le premier avec le directeur du collège qui ne formule pas de remarque particulière. Ce sera le seul. Il est prévu aussi de rencontrer des familles de personnes ayant perdu un proche. On m’annonce des réticences à témoigner, de la part de médecins, entre autres. Knauf semble craint par la population : on redoute en effet des représailles. Ma demande d’entretien est refusée par les dirigeants de l’usine.
On me parle de l’historique de l’usine : occasion pour le maire adjoint d’évoquer l’usine de Vunizol qui a fonctionné trente ans de 1974 à 2004 et qui a employé 400 personnes jusqu’en 2004, contre Knauf qui depuis cette date n’emploie plus que 80 à 100 personnes, alors que les tonnages produits ont été multipliés par deux, bientôt trois peut-être. Knauf se serait à l’origine fait passer pour une entreprise française auprès du public. Les autorités ont constaté un blocage à Belgrade des rapports d’analyses de 2017 envoyés par Surdulica.
L’après-midi, excursion au lac (retenue d’eau artificielle) de Vlasina, à 1200 m d’altitude. Quatre petites centrales hydroélectriques sont installées sur le cours de la Vlasina en descente vers Surdulica. A mi-hauteur un captage d’eau minérale pour la marque Rosa est devenu la propriété de Coca-Cola…
Cette première journée n’est pas terminée : en soirée, discussion privée avec Dragan et Dejan, sympathique militant de l’association Inhale Deep (Respire profondément) et auteur du blog Volim Surdulicu (J’aime Surdulica). Je réponds à leurs questions et leur donne toutes les explications sur Stop Knauf Illange, sur notre impact médiatique via la presse en France et au Luxembourg. Nous cherchons ensemble un possible contact en Macédoine. Skopje, la capitale de ce pays n’est qu’à 120 km, mais elle doit elle aussi faire face à ses propres problèmes de pollution. J’attends toutefois une réponse via l’association Health à Bruxelles.
Le procédé Ecose est utilisé de temps en temps (pour les produits Basse Densité), on reconnaît les jours où il est utilisé car l’odeur sirupeuse, un peu comme celle de la barbe à papa, se répand aux alentours.
28 novembre 2019
C’est la première journée consacrée au reportage vidéo : Aleksander le photographe et vidéaste, Marija l’institutrice et traductrice, Cole, Stanojko, et Dragan m’accompagnent. Nous parlons anglais, ce qui facilite nettement la traduction.
Pour enrichir notre reportage, nous procédons à un micro-trottoir : deux retraités anciens salariés de Knauf acceptent notre proposition. Il s’agit d’un invalide ayant subi une trachéotomie suite à l’inhalation régulière d’ammoniac manipulé dans son travail, parti avant l’âge légal de la retraite après 20 ans de Knauf, contre une indemnité payée par l’usine. Son fils est mort d’un arrêt cardiaque en travaillant chez Knauf ; il n’avait pas 40 ans. L’autre personne interrogée ce matin-là au centre-ville est Danko, relativement bien portant, qui a travaillé 32 ans chez Vunizol et Knauf. Son fils est décédé dans les conflits yougoslaves en 1992. Il me remercie d’être venu sur place constater les dégâts produits par l’usine. Quelques mots en français sont échangés.
Nous nous dirigeons ensuite vers le hameau d’Alakince. Nous faisons la connaissance d’un paysan nommé Popca Tasic qui dénombre le nombre de morts par cancer (148 cas, peut-être un peu plus) ou autres. Il évoque la rivière Vrla qui est toujours contaminée, les pluies acides, les nombreux problèmes concernant la récolte des fruits et des légumes. Tout est rendu impropre à la consommation. Le vignoble est détruit.
La directrice de l’école primaire qui ne se trouve qu’à 200 m de Knauf n’a pas constaté de symptômes graves chez les enfants mais beaucoup d’allergies à répétition. Parents et riverains sont fort inquiets. Knauf a essayé d’offrir des cadeaux de faible valeur à l’école que l’enseignante a refusés.
Tous ces gens connaissent les mots : ammoniac (ou ammonium), phénol et, plus surprenant pour moi, formaldéhyde…
Il n’y aurait plus de fumées sortant la nuit des cheminées aval depuis l’annonce de mon arrivée mais le cubilot tourne et sa cheminée crache continuellement !
La journée se termine par une longue discussion avec les militants. J’ai proposé les badges réalisés par Gérard W. (avec pour modèle Stop Knauf Illange qui deviendrait « Stop Knauf Surdulica » en cyrillique, ce que le groupe a chaleureusement accepté. Ensuite j’ai expliqué longuement toutes les procédures administratives et judiciaires que nous avons engagées en France. Rien de tel ici à leur connaissance, pour l’instant.
29 novembre 2019
Je me rends à une seconde réunion en mairie : je donne le compte rendu de la visite de la veille, on me confie des documents comportant les normes serbes, nous parlons ensuite d’une nouvelle visite au cours de laquelle je serai accompagné de quelques militants volontaires de SKI, voyage qui se ferait au printemps. Je m’engage à tenir des réunions publiques spéciales « Surdulica » en Moselle, et contacterai d’autres associations serbes en France ; je donnerai une conférence de presse car la communauté serbe est bien représentée dans notre pays.
J’ai l’occasion, dans l’après-midi de visiter le sanatorium. Le directeur Vasil tient Knauf pour responsable de la mauvaise qualité de l’air y compris au sana qui est à 3 ou 4 km de Knauf et situé environ 300 m plus haut que Knauf et la ville.
Entretien entre l’école primaire et Knauf (à 150 m de l’usine) devant de petites maisons et potagers. Danijela, vendeuse en pharmacie, souffre de BPCO sévère, (abréviation de bronchopneumopathie chronique obstructive) et d’allergies. Elle a eu de nombreux arrêts de travail et effectué des séjours répétés au sanatorium pour se remettre en condition. Un voisin, fort sympathique mais atterré, nous montre les feuilles abîmées de ses arbres fruitiers.
La journée se termine au restaurant, occasion de s’entretenir avec le Dr Cada Mitic, pédiatre, et Snezana (Nena), l’inspectrice chargée de l’Environnement à la Mairie.
30 novembre 2019
Entretien avec Novica Toncev, président de l’assemblée locale et député à Belgrade. Il dénonce l’inaction du gouvernement sous pression de l’ambassadeur d’Allemagne, et l’enterrement du rapport de 2017. M. Novica Toncev donne plusieurs accords : accord pour une action commune ouverte contre Knauf. Les élections ayant lieu en avril, il est décidé d’une nouvelle visite avec des militants de SKI en mai 2020. Accord pour recevoir et envoyer tout document pouvant être utile. Accord sur le principe d’un jumelage culturel, historique et anti-Knauf (écologie) avec le village mosellan de Distroff dont le Maire fut le seul à refuser Knauf à Illange il y a un an.
J’ai demandé en vain les plans sommaires et un schéma de l’usine avec les dimensions exactes : les plans sont indisponibles à Surdulica. Snezana sollicitera le Ministère de l’Environnement à Belgrade.
Récupération des séquences filmées par Aleksandar, dernier repas en commun au cours duquel nous parlons de…Knauf. Pas beaucoup de temps pour aborder des sujets moins sinistres. Bilan de la visite, et départ pour l’aéroport de Skopje.
Mes hôtes
Sur la première photo, de gauche à droite : vous voyez Aleksandar le cinéaste, moi, Dragan (mon « garde du corps »), la jeune femme c’est Marija, traductrice, et à côté d’elle, Cole, principal organisateur de ma visite sur place.
Deuxième photo : à ma droite Snezana, à ma gauche, Marija.
Troisième photo, de gauche à droite : c’est Cole, Dragan (debout), la jeune femme au pull rose Snezana, à côté de moi le député et président de l’Assemblée locale Novica Toncev et tout à droite Nenad, coorganisateur et traducteur.
Ces trois photos témoignent de l’accueil chaleureux qui m’a été réservé pendant cette période. Je remercie mes nouveaux camarades et sais qu’en France, vous ne serez pas insensibles à leur appel. Solidarité avec Surdulica !