La ville de Yutz publie dans son dernier bulletin municipal, un article qui traite des premiers résultats des analyses de la qualité de l’air à la sortie des cheminées de l’usine Knauf. Cet article nous a interpellés tant par les résultats publiés que par leur côté partiel. Nous avons rencontré Madame la Maire de Yutz pour échanger sur ces éléments.
Il ne nous a pas été donné d’accéder aux éléments dont disposait la Ville, mais il ressort de cet échange, que la ville disposait d’éléments sans doute fiables parce qu’émanant du labo certifié Cofrac qui fait les mesures, mais partiels.
Dans sa volonté de satisfaire à sa promesse de campagne, d’informer ses administrés sans filtre, l’équipe municipale nous semble avoir fait preuve de précipitation en publiant des éléments incomplets. Il ressort de cette communication, qu’elle laisse les lecteurs avertis sur leur faim, ouvre la place à des spéculations sur l’importance des manques, et n’atteint pas à l’objectif d’une information complète, claire et pédagogique sur ce sujet complexe.
En effet, par rapport au dispositif de surveillance mis en place par l’autorité préfectorale, STOP KNAUF ILLANGE observe que :
- Il manque les données de 12 cheminées sur les 14 surveillées.
- Il manque 3 polluants majeurs :
- Le monoxyde de carbone (CO) qui peut être responsable de céphalées, vertiges, asthénies ou troubles sensoriels en cas d’expositions répétées à de faibles concentrations ;
- Les oxydes d’azote (NOx) qui peuvent représenter un risque respiratoire pour les populations sensibles ;
- Le dioxyde de soufre (SO2) qui, en association avec les particules en suspension, peut devenir un irritant respiratoire pour les catégories d’individus sensibles. Les particules peuvent également avoir des propriétés mutagènes et cancérigènes.
- Il manque les données de plusieurs mois d’exploitation.
Les deux valeurs présentées pour chaque polluant, sont celles de janvier et de septembre 2020. Pourquoi précisément ces deux mois ? Que s’est-il passé entre les deux ? Nous savons que le fonctionnement de l’usine est erratique et que de nombreux incidents de production ont eu lieu au cours de cette période. Les stocks pharaoniques de rebuts de production en témoignent et la fréquence d’incidents nous a été confirmée par des salariés de l’usine.
Quant aux données publiées, nous constatons que les poussières confinent à la limite autorisée et s’agissant de moyenne, on peut interpréter cette valeur comme étant en dépassement de la valeur limite, pendant la moitié du temps, ceci pour mettre en valeur le fait que ce sont les pics d’émission qui sont importants. En fait les riverains ne choisissent pas de respirer les poussières d’une ou l’autre des cheminées de l’usine. Ils respirent, c’est tout ! Il nous semble qu’à cet égard il conviendrait de surveiller les émissions globalement et en particulier les poussières, tous émissaires confondus. Cette remarque renvoie à l’absence des données de 12 émissaires sur 14 dans les chiffres publiés.
On note aussi que pour l’ammoniac, si les valeurs restent dans les valeurs limites de l’arrêté préfectoral, elles dépassent très largement les performances de l’usine Knauf de St Egidien en Allemagne. Nous rappelons que Knauf a emmené nos élus visiter cette usine présentée comme un modèle du genre et que c’est sur cette promesse, renforcée par les déclarations de M. Leverton que l’usine d’Illange serait encore plus performante, que certains élus se sont prononcés en faveur de l’implantation et que le Préfet a pris son arrêté d’autorisation d’exploiter.
La DREAL nous a confirmé qu’au-delà de l’arrêté préfectoral, les éléments que Knauf a mis en avant dans son dossier de demande d’autorisation lui sont opposables et notamment les performances de St Egidien. En effet, c’est aussi sur la base de ces éléments qui caractérisent de manière concrète l’état de l’art en la matière, que l’autorisation d’exploiter a été accordée.
Si les Allemands arrivent à n’émettre que 17,2 mg/Nm3 d’ammoniac, il n’y a pas de raison qu’à Illange, on en respire 32 mg/Nm3 avec une meilleure technologie.
Nous serons attentifs à vérifier que les autres valeurs, quand elles nous seront communiquées, respectent cette référence.
Il est important pour le suivi de l’exploitation qu’un lieu d’information, de concertation où toutes les parties soient équitablement représentées, se mette rapidement en place pour y interpeller l’exploitant sur ses pratiques et ses résultats en matière d’atteinte à l’environnement.
Nous avons eu aussi l’occasion d’échanger avec madame la Maire de Yutz sur ce sujet et nous lui avons fait valoir l’intérêt que présente, dans le dispositif de surveillance, et d’information de la population, la mise en place d’une Commission de Suivi de Site (CSS) telle qu’elle est prévue par l’article L. 125-2-1 du code de l’environnement introduit par la loi Grenelle 2. C’est une commission représentative de toutes les parties impactées, qui fonctionne de manière démocratique, avec des moyens de fonctionnement indépendants, et dont les travaux sont publics. Sa création n’est pas obligatoire pour une usine du type de celle de Knauf à Illange. Elle peut être demandée par un tiers (association de protection de l’environnement, élus, riverains), soit décidée de sa propre initiative par le Préfet.
STOP KNAUF ILLANGE en a fait la demande ; le Préfet se repose sur la communication unilatérale et partisane de Knauf et d’une réglementation non contraignante pour en refuser la création. C’est pourtant une disposition parfaitement adaptée, prévue par le législateur et STOP KNAUF ILLANGE ne voit pas pourquoi les citoyens de notre territoire en seraient privés.
Dans le cas de figure, les données relatives aux mesures des émissions auraient été communiquées à travers cette commission de manière équitable à toutes les parties : collectivités, associations, salariés et toutes les expertises en présence auraient pu collaborer pour les analyser.