Voici une copie de la lettre adressée en Janvier 2022 à Corinne Le Quere, présidente du Haut Conseil pour le Climat (HCC), lettre transmise par l’intermédiaire de M. Dominique Raynaud, glaciologue et membre du GIEC que nous avions rencontré en Décembre 2021 à Metz et qui a souhaité nous soutenir. Un grand merci pour son aide !
Madame Le Querre,
En Septembre 2019, sur le site de la mégazone d’Illange-Bertrange (Moselle), une usine nouvellement construite et appartenant au groupe industriel allemand Knauf est entrée en production. Cette usine fabrique de la laine de roche à partir d’un procédé de fusion au charbon (coke précisément).
Le projet a été analysé et validé durant l’année 2018 avec autorisation préfectorale en Décembre 2018. Toutes les instances de régulation ont autorisé ce projet, et ce, malgré le recours à un combustible fossile qu’il eût été possible d’éviter par l’emploi de la fusion électrique (ce que fait d’ailleurs Rockwool, le concurrent de Knauf, également en France à Soissons où une usine similaire a été construite mais sans l’utilisation d’énergie fossile).
La pollution annuelle annoncée par l’industriel en quelques chiffres :
- 84 000 tonnes de CO2, le coke étant importé depuis la Pologne par camions quotidiennement,
- 100 tonnes d’oxyde d’azote,
- 280 tonnes d’oxyde de souffre,
- 168 tonnes d’ammoniac
- émissions de phénol, formaldéhyde, monoxyde de carbone, …
- hauteur de la cheminée aval et direction des vents sont les seules parades à la pollution de l’air …
- refus d’implantation initiale de Knauf par le Luxembourg en 2018 (à Sanem – Differdange) pour cause de pollution.
L’implantation de l’usine est à 300 m des premières habitations (dont écoles), dans un secteur protégé par un plan de protection de l’atmosphère. Aucun comité de suivi de site indépendant (malgré les demandes faites à la préfecture en ce sens) n’est prévu. Seul l’industriel informe sur la pollution et le bien-fondé de son action.
Outre les dommages locaux qui pèseront sur la santé des riverains proches (plus de 60 000 personnes dans un rayon de 7 kms), le recours au coke en France en 2019, alors qu’une alternative plus respectueuse du climat était possible, est incompréhensible tant sur le mode de fabrication que sur la chaîne de décision qui l’a autorisé.
La France affiche une stratégie bas carbone, sans utilisation du charbon comme source d’énergie. L’existence du cas de l’usine Knauf à Illange, même si elle émet à l’échelle globale des quantités faibles de CO2 dans l’atmosphère, pose des problèmes dommageables de pollution locale et n’apparait pas cohérente avec les engagements pris par la France en matière d’utilisation du charbon comme source d’énergie, décrié d’ailleurs comme l’ennemi public n°1 du climat par l’actuelle ministre de l’écologie.
Y-a-t-il d’autres exemples similaires en France où des industries nouvellement créées fonctionnent avec cette source d’énergie ?
Rappelons au passage qu’en 2018, et pour rester dans un contexte local au département de la Moselle, l’Etat s’est engagé à fermer la centrale électrique Emile-Huchet de Saint Avold, centrale thermique qui fonctionne au charbon précisément.
Au même moment à 50 kms de là, à Illange, on autorise Knauf à importer et brûler du coke de Pologne …
Sans parler qu’il se trouve à moins de 10 kms du site d’Illange une centrale nucléaire (Cattenom) qui aurait pu pallier le pont routier depuis l’Europe de l’Est pour fournir la source d’énergie, non fossile, voire même verte si l’on en croit les récentes déclarations de la commission européenne sur le classement en énergie verte du nucléaire.
Nous pensons utile que vous soyez informée de ce cas qui donne un très mauvais signal sur les engagements pris ou à suivre pour contenir le réchauffement climatique amorcé et palpable désormais.
Compte-tenu des missions qui incombent au Haut Conseil pour le Climat, nous souhaiterions savoir si vous pouvez acter une recommandation sur ce cas précis, voire obliger l’industriel à adopter un autre procédé de fusion sans emploi de charbon, tel que cela se pratique sur notre territoire.
En vous remerciant de votre considération, nous vous prions d’agréer, Madame Le Querre, nos respectueuses salutations.