Le contrat familial des 22

La Commission européenne inflige à quatre sociétés productrices de plaques de plâtre une amende d’un total de 478 millions d’euros :

  • BPB : 138,6 millions d’euros
  • Knauf : 85,8 millions d’euros (presque le prix d’une usine neuve)
  • Lafarge : 249,6 millions d’euros
  • Gyproc : 4,32 millions d’euros

La lecture attentive de l’arrêt en appel de la Cour de Justice européenne du 1er juillet 2010 (aff. C-407/08 P) nous apprend quelques points intéressants.

Knauf est au regard du juge européen « une entité économique intégralement possédée par 22 membres de la famille Knauf ». Les montages juridiques et financiers des nombreuses activités de Knauf, au travers de ses filiales de par le monde, n’empêchent pas le juge de considérer qu’il existe entre ces 22 personnes physiques « un contrat familial » dont l’objet est «d’assurer une direction et une gestion uniques des entreprises Knauf ».

Cette entité économique unique, représentée en l’espèce par les deux mêmes personnes de la famille Knauf, a participé à l’entente reprochée par la Commission européenne à Knauf (au travers de sa filiale « Gebrüder Knauf Verwaltungsgesellschaft KG » (GKV) et aux sociétés BPC plc (Royaume-Uni), Lafarge SA (France) et Gyproc Benelux (Pays-Bas) au titre de l’article 81 du Traite CE.

L’infraction (« continue ») consistait en des échanges d’informations entre les quatre sociétés, actives sur le marché des plaques de plâtre en France, au Benelux, en Allemagne et au Royaume-Uni :

  • échanges réguliers d’informations sur les volumes de vente des plaques de plâtre de chacune d’elle
  • échanges d’informations sur les hausses de prix décidées ou envisagées par elles au Royaume-Uni
  • entente sur une répartition ou une «stabilisation » du marché allemand ainsi que, sur ce même marché allemand , pour une concertation sur l’application de hausses de prix entre 1996 et 1998 (décidée lors de réunions à Londres en 1992, Versailles en 1996, Bruxelles en 1997 et La Haye en 1998).

La routine des affaires, en somme.

Détails des décisions :

Le 27 novembre 2002, la Commission a adopté la décision 2005/471/CE, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] à l’encontre de BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc (Affaire COMP/E-1/37.152 – Plaques en plâtre) (JO 2005, L 166, p. 8, (…) .

Extrait de la décision de la Commission européenne ci-après :

« Article 3

Pour l’infraction visée à l’article 1er, les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes :
a) BPB […] : 138,6 millions d’euros
b) […] Knauf […] : 85,8 millions d’euros
c) […] Lafarge […] : 249,6 millions d’euros
d) Gyproc […] : 4,32 millions d’euros

[…]

15 La Commission considère, dans la décision attaquée, que les entreprises en cause ont participé à une infraction unique et continue qui s’est manifestée par les comportements suivants, constitutifs d’accords ou de pratiques concertées :

  • les représentants de BPB et de Knauf se sont rencontrés à Londres (Royaume-Uni) en 1992 et ont exprimé la volonté commune de stabiliser les marchés des plaques en plâtre en Allemagne, au Royaume-Uni, en France et dans le Benelux ;
  • les représentants de BPB et de Knauf ont mis en place, à partir de 1992, des systèmes d’échange d’informations, auxquels Lafarge et ensuite Gyproc ont adhéré, portant sur leurs volumes de ventes sur les marchés allemand, du Royaume-Uni, français et du Benelux » 
  • les représentants de BPB, de Knauf et de Lafarge se sont, à diverses reprises, informés réciproquement à l’avance des hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni »

Knauf, pour sa part, a commis cette infraction (continue sur 6 ans) « du 31 mars 1992, au plus tard, jusqu’au 25 novembre 1998 ».

Knauf saisit la Cour de Justice (CJE) pour contester la décision de la Commission. Un arrêt en première instance de la CJE confirme le 8 juillet 2008 la licéité de la décision de la Commission. Knauf interjette appel et la CJE (2e Chambre) produit un deuxième arrêt le 1er juillet 2010, confirmant, sauf sur un point, le premier arrêt du 8 juillet 2008 ainsi que le montant de l’amende de 85,8 millions d’euros (une petite usine donc…).