Le Sous-préfet aux Sables

(cf. entretien avec Thierry Bonnet paru dans le RL le 27 août 2019)

Nos lecteurs avertis auront reconnu dans le titre l’allusion à l’œuvre de Daudet,  « Le Sous-préfet aux champs… »

Les Sous-préfets de nos jours ne sont plus de cette eau poétique. Ils sont plutôt terre-à-terre, et langue de bois. Certes, après un début d’entretien dans lequel Thierry Bonnet parle de la pluie et du beau temps, sur le sujet qui est notre lutte quotidienne, l’implantation au forceps de Knauf Insulation à Illange (4ème paragraphe de l’article cité) – Thierry Bonnet exprime une poésie minimaliste. Il résume, pour faire plaisir sans doute au journaliste qui lui pose la question, le tout en deux petites phrases.

Deux phrases donc et deux altérations sensibles de la réalité !

« Je retiendrai la capacité qu’on a eue à mettre tout le monde autour de la table. Je peux comprendre les doutes mais à partir du moment où toutes les règles sont respectées- et elles sont particulièrement strictes en France – c’est le droit d’entreprendre qui prévaut. »

« Tout le monde autour de la table »? À l’unique réunion publique d’Illange du 11-9-2018, trônait un aréopage d’élus et les représentants de Knauf derrière la table ;  les premiers rangs étant réservés aux notables dont Thierry Bonnet, aux patrons, ainsi qu’aux élus pro-Knauf, et loin derrière, le petit peuple assis ou debout dans la salle, comme il le pouvait. L’esprit d’une réunion publique aurait voulu que seuls le commissaire-enquêteur et Knauf aient été sur scène et que le placement eût été libre. Mal « leur » en a pris, cette réunion a largement tourné au désavantage des promoteurs du projet.

Peut-on parler de « capacité à mettre tout le monde autour de la table » le public n’ ayant  eu droit qu’à deux micros : 350 personnes, venues avec des questions auxquelles il n’a été le plus souvent pas répondu, « capacité à mettre tout le monde autour de la table », alors que le temps de parole imparti était fort court, et que le commissaire-enquêteur n’a pas eu la courtoisie d’écouter les intervenants du public tout en laissant les notables et patrons pérorer ?

 La vidéo témoigne de notre bonne foi. En laissant la parole aux entrepreneurs, qui avaient pu largement s’exprimer dans d’autres instances non publiques, le commissaire-enquêteur a réduit sciemment le temps d’expression des riverains. Quand Thierry Bonnet parle de « tout le monde » autour de la table, il sait pertinemment que le véritable « tout le monde », – les riverains -, a été  exclu des discussions.  C’est fréquent actuellement, malgré les promesses de concertation, d’harmonie avec la population, etc… Nous n’avons visiblement pas la même définition du débat démocratique.

Enfin, nous ne savons pas où Thierry Bonnet a trouvé « qu’à partir du moment où toutes les règles sont respectées, c’est le droit d’entreprendre qui prévaut ». Mais toutes les règles n’ont pas été respectées, Thierry Bonnet le sait, et c’est pourquoi nous exerçons un recours devant le Tribunal administratif de Strasbourg.

Le droit à la santé de ses administrés importe visiblement peu à M. le Sous-préfet. Il sait qu’à Versailles début 2018,  le président de la République avait avalisé le projet sans en connaître les détails. C’était donc sa mission de faire en sorte que le processus aille vite : « fast track » (sic), soit « voie rapide » ou « procédure accélérée ». Le commissaire-enquêteur ne s’est-il pas vu répondre « le dossier est urgent » par la Préfecture (page 11 du rapport du CE).

Donc, table ou pas table, tout fut ficelé dès le début, avant toute information des premiers concernés : nous ! Avant l’annonce de presse du 30-5-2018, avant l’enquête publique du 23-8 au 5-10-2018, avant notre audition par le Coderst le 8-12 et surtout avant que le supérieur direct de Thierry Bonnet ne tienne aucun compte des avis défavorables exprimés lors de l’enquête, bien aidé en cela par le rapport du commissaire-enquêteur dont son arrêté préfectoral du 21-12-2018 ne lève même pas les réserves !

Moins ordinairement familiers que les notables en chef de la région qui ont signifié au supérieur de Thierry Bonnet de leur « lâcher les baskets », nous disons simplement : « Adieu et sans regret, Monsieur le Sous-préfet ! »