En ces temps troublés nous avons plus que jamais besoin de nous raccrocher à des valeurs (non boursières) sûres qui nous servent de repères dans la vie.
Knauf a bien compris le bénéfice qu’il pouvait tirer de la référence aux grandes vertus telles que la bienveillance, la sollicitude, « le Care » dans son acception anglo-saxonne. Ainsi, l’entreprise met en exergue la priorité donnée à l’homme, à travers son slogan « l’humain d’abord ».
Nous avons largement dénoncé l’impact de l’activité de Knauf sur la santé et la qualité de vie des riverains de l’usine d’Illange, mais que se passe-t-il à l’intérieur de l’usine ? Quelle réalité se cache derrière les slogans de Knauf en termes de management de la ressource humaine ?
Knauf est très attentif à la diffusion de l’image idéale, savamment construite d’une entreprise dynamique (challenge), imaginative (Create), et bienveillante (Care). Ainsi à travers les discours tenus aux autorités ou à travers les documents grand public de propagande (Fuse), Knauf distille l’image sécuritaire, d’une parfaite maîtrise du process industriel, d’une grande expertise dans le choix de ses matières premières pour réduire l’impact sur l’environnement, et surtout d’un autocontrôle des émissions si sophistiqué, si présent, si peu discutable, et qui donne de si bons résultats. C’est ce que chacun doit pouvoir imaginer quand il passe devant cette belle usine, bien propre, clinquante, exposée comme une vitrine illuminée, en bordure de l’autoroute. Et bien sûr, même si Knauf communique peu sur ce qui se passe à l’intérieur de l’usine, nous sommes invités à penser que ces mêmes vertus sont mises en œuvre, au quotidien, au cœur de l’outil de production.
Cette belle image commence toutefois à se craqueler et par les fentes suinte une autre réalité.
Nous avons ainsi été destinataires de témoignages multiples et concordants, venant de l’intérieur ou de personnels récemment écartés de l’entreprise, qui offrent une autre vision, qui montrent que l’humain est utilisé chez Knauf comme une matière première quelconque.
Voici quelques éléments qui nous ont été rapportés.
Les personnels rencontrés se plaignent d’un manque de formation, en particulier à la sécurité. Aucun n’a vu le Document unique dont la mise à disposition est légalement imposée à l’employeur. Les procédures seraient sommaires, inadéquates ou carrément inexistantes. Cet aspect est d’autant plus révoltant que Knauf a bénéficié d’argent public de la région, précisément pour la formation de ses personnels.
Par ailleurs les personnels sont très exposés parce qu’utilisés régulièrement à contre-emploi par obligation et par manque de cohérence dans l’organisation ou inexpérience de la maîtrise. Pour faire face au caractère erratique de la production, les mêmes personnels embauchés comme caristes par exemple, peuvent être sollicités quelques heures plus tard comme pompiers pour éteindre la roche en fusion dans le Hell Hole et ensuite pelleter de la poussière fortement polluée par les métaux lourds ou de l’arsenic dans la trémie d’un filtre. Si les salariés sont présents aux postes, les équipements de sécurité ne le sont pas toujours, en particulier vis-à-vis d’un environnement très chargé en poussières et en ammoniac. Les masques sont parfois inexistants ou inappropriés par rapport au type de contamination et les intérimaires n’ont pas toujours accès aux équipements de protection.
Les pneus d’une chargeuse ont pris feu au contact de projections de roche en fusion. Knauf minimise l’incident mais c’est un pur hasard que ce soit le pneu qui ait été atteint, cela aurait aussi bien pu être le conducteur…
On nous a parlé de malaises survenus suite à la déficience des détecteurs de monoxyde de carbone ou d’ équipements d’arrêt d’urgence qui ne fonctionnent pas ou bien encore d’alarmes incendie qui ne sont pas respectées ; des aires de circulation des engins qui n’ont été que très récemment matérialisées au sol.
La production est laborieuse, et non maîtrisée. Les déchets de production prennent des proportions pharaoniques au point que Knauf ne sait plus où les entreposer. Le port d’Illange en est plein, l’actypole de Metz Borny également Transalliance à Ennery, ProServ à Yutz et jusqu’à Woippy où un début d’incendie de plaques de laine de roche chaudes a été signalé par la presse locale sans mentionner Knauf ; des centaines de milliers de mètres cube de rebuts de production pour ne pas dire de déchets. De fait, pour rattraper les objectifs de production, le personnel est mis sous pression, une compétition est organisée entre les cinq équipes de production ; les meilleurs éléments sont récompensés par de dérisoires pizza… Malgré la course à la spécialité italienne, c’est un important marché italien qui a été perdu.
On évoque une panne machine par jour en moyenne. À chaque panne de la ligne de production, ou à chaque arrêt pour production anormale, les salariés sont envoyés, toutes affaires cessantes, pour dégager le bourrage de la ligne, évacuer le vrac non conforme, sans directives de terrain spécifiques et souvent sans contrôle par quiconque du respect des procédures pourtant édictées par Knauf. Mais c’est la faute des ouvriers, bien sûr.
On nous a rapporté également :
- les multiples erreurs dans les fiches de paie, les inégalités dans les salaires, lesquelles ont donné lieu à un débrayage partiel qui a abouti à la régularisation de ces anomalies,
- le renouvellement du personnel important, à commencer par le directeur du site, le chef de la production la responsable des ressources humaines, fin 2018.
- la saisine en cours des prud’hommes,
- la discrimination à l’embauche ; il faut dire aussi que dans cette usine, on veut des costauds (capacité de déplacer les 80kg des « boards »(plaques) de laine de roche ; de fait, les femmes sont écartées de certains postes,
- la saisine de l’inspection du travail qui débordée, ne semble pas s’être encore intéressée au sujet.
Tout cela participe-t-il de « l’humain d’abord » ? Vous savez la fameuse Menschlichkeit si chère à Knauf (cf. notre article du 1er février 2020).
Ce tableau sera bien sûr contesté par Knauf car il met à mal l’image lisse et bien propre qui a prévalu à l’acceptation par les autorités de cette usine polluante et archaïque (par l’énergie utilisée mais aussi par les méthodes managériales mises en œuvre).
Si Knauf conteste ces témoignages venus de l’intérieur, qu’il fasse preuve de transparence, qu’il ouvre ses portes, qu’il accepte la création d’un véritable comité de suivi, indépendant… Il ne s’agit pas d’organiser des visites « coup de bluff » à destination des élus, comme récemment, qui nécessitent un nettoyage préalable de plusieurs jours au « coton tige » et se déroulent dans l’omerta la plus complète, aucune commune à ce jour n’ayant jugé utile d’informer ses administrés des conciliabules feutrés auxquels elle est conviée. Knauf exige le secret et l’obtient. Bravo les engagements de campagne municipale !
Nous revendiquons la mise en place d’un comité de suivi indépendant, à l’initiative du Préfet, comme il est de sa compétence d’en décider. Ce comité n’a pas de prérogatives pour traiter des conditions de travail, c’est par vocation le champ d’action des syndicats qui ont là un terrain d’action utile, nécessaire et vierge.
120 emplois, 120 emplois, que de fois avons-nous entendu ce seul argument en faveur de Knauf !
La triste réalité de la « qualité » de ces emplois, en particulier de production, est une honte supplémentaire pour Knauf et ses complices politiques. Mais ces gens-là boivent la honte depuis si longtemps qu’ils ne sont plus à une nouvelle dose près…