Les Lorrains sont-ils de la chair à projet industriel pourri ?

L’industriel danois Rockwool, leader mondial de la laine de roche, a pour projet de construire une usine de fabrication à Soissons, dans l’Aisne. C’est une information qui ne manque pas d’interpeller les habitants du Thionvillois car ils sont passés par là.
À Soissons, on en est à la publication du rapport du commissaire enquêteur [PDF], et quelle n’est pas « notre surprise » d’apprendre que son avis est défavorable.
Regardons-y de plus près, il y a vraiment de quoi être étonné, et de quoi jeter un regard différent sur la saga de l’implantation de Knauf à Illange.

Les projets de Rockwool et de Knauf sont similaires par la nature du produit fabriqué, par l’objectif de production, autour de 110 000 tonnes/an, par le nombre des emplois prévus. Le projet de Rockwool se distingue toutefois par le recours à l’électricité comme énergie principale de fusion de la roche, et par conséquent la faible émission de gaz à effet de serre, comparativement à Knauf qui en émettra quatre fois plus avec l’utilisation du coke.

Il convient de noter une autre singularité du projet Rockwoll qui réside dans la manière de conduire son projet vis-à-vis de la population. Là où Knauf est passé en force en utilisant des méthodes qui relèvent des régimes politiques les plus détestables : omerta, achat des consciences des élus, pressions politiques, démarrage de travaux au mépris de la loi, non-respect du permis de construire, passe-droit avec la procédure « Fast Track » (« accélérée »), complicité de l’administration, etc… Rockwool de son côté organise une concertation préalable avec la population et attend patiemment d’avoir l’autorisation d’exploiter pour décider s’il va, au final, réaliser ou non son projet.

Dans le Thionvillois, on rêve…

Pourtant, ce projet Rockwool, qui peut sembler plus vertueux à ceux qui se sont intéressés aux méthodes Knauf, vient de recevoir un avis défavorable de la part du commissaire enquêteur. Du haut des étages supérieurs de la loi, nous voulons parler du principe de précaution, qui a, depuis 2005, valeur constitutionnelle, le commissaire enquêteur juge le projet Rockwool contraire aux intérêts de la population.

Enfin quelqu’un qui, non seulement connaît l’ordre juridique français, mais qui ose l’appliquer pour fonder son jugement.

À ce stade on ne peut pas encore préjuger de la décision du préfet de l’Aisne qui n’est pas obligé de suivre l’avis du commissaire enquêteur. Mais, continuons de rêver, si le préfet suivait le commissaire enquêteur, ce qui relèverait du bon sens, c’est au final le projet Knauf, le plus sale, le plus contestable, le plus dommageable pour les habitants et l’environnement qui aura été réalisé.

On peut se poser la question de savoir si la connivence et la complicité qui ont accompagné le projet Knauf, ne repose pas sur le pari fait par les autorités et l’industriel, d’un plus grand degré d’acceptabilité de la population locale. De par son passé industriel sidérurgique, on peut se demander si cette population n’a pas été jugée « sacrifiable » parce que déjà habituée aux morts transparents, silencieux, aux cancers sans causes identifiées. En effet, vu de Paris ou du siège de Knauf, une population qui érige ses vestiges industriels, en œuvre d’art et de mémoire à travers l’U4 à Uckange par exemple, alors qu’à Soissons, qui a une histoire plutôt agricole, on interdit toute excroissance industrielle dans le paysage, même s’agissant d’éoliennes, et ceci dans un rayon de 20 km autour de Soissons, cette population, la nôtre, témoigne assurément d’une acceptabilité élevée.

Décidément on n’a pas ici le même rapport à l’industrie, Knauf et nos dirigeants ont assurément spéculé sur cette caractéristique.

Nous ne pouvons nous empêcher de faire le parallèle, avec ce qui se passe à Bure, aux confins de la Meuse et de la Haute Marne, où il est maintenant avéré que c’est le degré d’acceptabilité du projet, la capacité d’asservissement des élus, qui auront été l’argument majeur du choix de la solution technique et du site d’enfouissement des déchets nucléaires. C’est une similitude révélatrice d’un système.

Stop Knauf Illange et ses adhérents dénoncent le mépris dans lequel les autorités nous tiennent. Nous lançons un nouvel appel à la population à nous rejoindre pour former « bloc » et dénoncer ce système. Ne nous laissons pas considérer comme de la « chair à projet industriel pourri ».

La partie n’est pas encore perdue, notre combat est porteur de la dignité de la population locale. Cette affaire à Soissons met le contexte de l’implantation de Knauf à Illange en perspective, formons le vœu pour 2021, que les juges du tribunal administratif sauront prendre la même hauteur que le commissaire enquêteur de Soissons et prendre la décision qui s’impose, à savoir : l’annulation de l’arrêté d’autorisation d’exploiter attribuée à Knauf.

Que penser alors du projet Knauf qui apparaît à la lumière du recours à ce principe suprême, « de précaution » , sorti d’un marécage de compromissions, de négligences, d’incapacités, de veulerie…

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