« Au nom de l’emploi vous allez à Illange créer la méga poubelle de la Grande région…! »
À quoi reconnaît-on un S.K.I lors d’une inauguration ou remise de médaille ? Il n’est pas endimanché, porte un signe distinctif, une pancarte, un badge. Ce soir, c’est une petite cheminée en carton aux couleurs identiques à celle de l’usine Knauf, les uns l’affichent sur le nez, les autres sur la tête ou autour du cou, accessoire rendu maniable grâce à l’ajout d’un élastique (soulignons l’ingéniosité du procédé), il faut dire qu’ils ne manquent pas d’imagination. Venus avec peu de voitures, covoiturage oblige, ils sont une quinzaine à investir les lieux (extérieurs), l’intérieur étant réservé aux invités.
Nous sommes donc à Kuntzig, occasion pour nos militants de voir du beau monde. L’inauguration de la salle polyvalente se fait en présence du Préfet entouré des élus (souvent les mêmes qu’on retrouve devant les petits fours…, attention à la ligne Messieurs !). Le Préfet donc, qui tient un discours bien rodé sur la nécessité d’isoler les logements, sur le fait qu’il accorde toute sa confiance aux institutions quant à l’impact gouvernemental et sanitaire.
Souriant, courtois, transpirant légèrement (la chaleur ? l’embarras ?), il reste muet sur l’enquête du commissaire enquêteur et sur le fait d’avoir autorisé l’implantation d’une industrie polluante au charbon à proximité d’une école.
M. Le Préfet écoute d’une oreille attentive cette militante lui dire : « En tant que représentant de l’État, vous avez des droits mais aussi des devoirs ! Vous devez nous protéger, nous ne sommes pas de la chair à charbon ! »
À l’écart, trois représentants de Knauf à l’image de l’entreprise, jeunes cadres dynamiques, élégamment vêtus, portant costume impeccable, bien taillé mais sans cravate (trop forte connotation capitaliste sans doute). Moins fringants que dans leur revue Fuse n°1, ils assurent, mais un peu tard, étudier la fusion électrique et ne pas renoncer à utiliser le procédé « Ecose », toujours inadaptable à la laine de roche. Knauf finalement, ce sont de riches étudiants : quand ils répondent à l’autorité environnementale, aux citoyens, etc, ils n’arrêtent pas d’étudier…ce qui normalement se fait avant, non ?
À aucun moment ils n’avouent leurs procédés infâmes : Knauf, une multinationale qui s’agrandit sans cesse en France mais aussi dans le monde entier en arrosant de « dons » les associations et les communes pour se faire accepter. Ils savent pertinemment qu’ils polluent mais n’aiment pas se l’entendre dire.
Notons toutefois à leur décharge qu’ils auraient pu s’esquiver, se mêler à la foule ou rejoindre les élus. Non, ils restent sur place, à l’écoute, braves petits soldats… Ils auraient pu perdre leur sang-froid quand une adhérente leur montre une pancarte : « Moselle empoisonnée par engeance organisée », quand un militant leur parle du choix du charbon à la place de l’électricité. Non, le discours chez Knauf est bien assimilé. C’est M. Coune qui parle, ses deux acolytes restent de marbre, « Prenez rendez-vous, on vous expliquera ». À toutes nos remarques, à toutes nos questions, la même réponse : « Prenez rendez-vous, on dialoguera, on trouvera un arrangement… ». M. Coune un robot ? : « Prenez rendez-vous, on parlera. » C’est ce que nous allons faire… peut-être.
Vous l’aurez compris, les S.K.I sont venus dire et redire au Préfet, aux élus qui se sont compromis avec Knauf, faisant ainsi fi de notre santé, leur opposition face à cette installation qui va rendre malades et tuer beaucoup de personnes lentement peut-être mais sûrement.
Toujours est-il que l’intervention des S.K.I ce soir, suscite chez les Kuntzigeois bien des interrogations, bien des doutes. Ils s’interrogent devant l’audace de ces militants, jeunes et moins jeunes. Très réceptifs à nos arguments, ils acceptent les tracts distribués, étonnés de voir tant d’opiniâtreté. Beaucoup plus polis que leur maire, M. Patrick Becker qui qualifie les militants « d’opposants qui gesticulent » ou que Daniel Perlati, maire d’Illange, bien connu pour son langage de charretier, se permettant d’insulter un manifestant avec des propos que notre correction nous empêche de retranscrire ici.
Remercions les habitants de Kuntzig pour leur accueil chaleureux, notre message est passé. En rentrant chez eux, ils se demandent pourquoi leur Maire, ce soir, ne s’est pas étendu sur l’isolation de leur salle polyvalente… Leurs enfants vont poser des questions auxquelles il va bien falloir répondre. Pourquoi le monsieur il a écrit sur sa pancarte : « Refuser le TROC subventions contre soumissions ? » Et si c’étaient ces « gesticulants » qui avaient raison ?