Stop Rockwool à Soissons

Les anti-Rockwool créent une association

L’Axonais n°333 1er octobre 2020

Plus d’un an après l’annonce du projet d’implantation de l’usine de laine de roche par le groupe Rockwool sur la zone du Plateau à Poissy. L’enquête publique préalable à l’autorisation de construire et exploiter l’usine a lieu du 14 octobre au 12 novembre à Courmelles et Ploissy, les communes d’implantation. « Ce projet consiste en la fabrication de laine de roche à raison de 115 000 tonnes par an et de broyage de déchets de laine de roche et à la construction d’un site s’étendant sur 22 233 m² » est-il écrit sur l’avis d’enquête publique de la préfecture publié le 21 septembre.

Un collectif de riverains, déjà actif sur Facebook, vient de déposer les statuts pour la création de l’association « Stop Rockwool », « en deux mots, afin d’éviter qu’on nous reproche l’utilisation de leur nom sans autorisation » précise Thomas Wozniak, l’un des membres qui dit savoir à qui il a affaire : « Ils font appel à l’agence de communication Parimage et à l’agence Rumeur publique pour leur contact presse, spécialiste de la communication en temps de crise… deux machines de guerre. » Thomas Wozniak s’est installé à Ploisy voici un an et demi : « Si j’avais su, je ne serais pas venu ». Depuis qu’il connaît l’existence du projet, il cherche des informations susceptibles de l’intéresser : « Il faut vraiment tout éplucher. Rien n’est transparent. J’ai mis des mois à trouver certains documents. Heureusement, le confinement m’a aidé. »

Voici les arguments des membres de Stop Rockwool, qui sera présidée par Karen Marchetti, elle aussi active sur Facebook, qui décrivait « une usine à cancer surplombant les écoles du village situées à 800 mètres à vol d’oiseau, à quelques kilomètres de nombreuses écoles de l’agglomération ! Crachant 365 jours par an et 24h/24 des rejets toxiques sur nos foyers, nos infrastructures sportives… Magnifique usine qui va polluer nos terres agricoles, que les cultivateurs se tuent à exploiter ! Et continuons d’applaudir nos élus et candidats promettant du circuit court pour alimenter les cantines de nos enfants. Du bio cultivé sous les fumées de particules fines, d’ammoniac, de phénol et de souffre. Les mêmes qui plébiscitent l’arrivée de cette industrie dépassée. Faisant croire pour diviser et mieux régner, que c’est Rockwool ou rien. Mobilisons-nous. »

DIMENSIONS

L’agglo du Grand Soissons a vendu 396 000 m² de terrain au prix de 16 € le mètre carré, pour une estimation des Domaines à 24 €. « N’importe quel territoire aurait fait un prix à l’usine qu’elle cherche à faire venir. 6,6 millions d’euros au lieu de 9,5 millions d’euros… c’est normal… » dit Thomas Wozniak.

L’opposant du projet décrit une usine gigantesque et une vue imprenable sur tout le Soissonnais » : « Trois cheminées de 30 à 75 mètres… aussi haut que Saint Jean des Vignes ! » Il ne comprend pas pourquoi l’argument de l’existence de lieux de mémoire de la Grande Guerre est utilisé pour empêcher l’implantation d’éoliennes qui gâchent les cheminées alors qu’il n’est pas valable contre les cheminées d’une usine : « Ça manque de cohérence. On hurle au scandale avec les éoliennes, mais pour gâcher notre si belle campagne, on aura en plus des rejets atmosphériques… Il y a eu un joli combat collectif pour préserver le plateau soissonnais d’un projet d’éoliennes à Chaudun pour préserver notre « patrimoine, cadre de vie et environnement », avec des slogans du type « NON au massacre de nos paysages et de notre patrimoine ». Par contre, pour Rockwool, pas de problème. Pourtant, on va les voir de très loin, ces cheminées. La zone du plateau est à une altitude de 155 m. Avec 75 m de cheminée qui seront visibles depuis tout le Soissonnais. On nous dit que ce sera limité à 40 m en raison de l’aérodrome tout proche. Mais l’aérodrome va être déplacé. Encore un coût pour le contribuable. »

À propos de l’usine Rockwool, il décrit « un équivalent de 16 terrains de foot », pour 130 emplois : «Ça prend beaucoup de place pour si peu d’emplois. En France, c’est une spécialité de bouffer les terrains agricoles. Actuellement sur le plateau, 36 hectares sont occupés par Wicona, le Relais, Houtch… pour environ 650 salariés soit 18 salariés à l’hectare. Pour Rockwool 130 salariés pour 39 hectares ! »

TRAFIC

Le groupe Rockwool évoque le passage de 200 poids lourds par jour sur la RN2, en plus des 3800 camions quotidiens, et 400 si une 2ème ligne de production est construite. « Le nombre de véhicules quotidiens est de 19 000 tous véhicules confondus : voitures, camions et motos… », dit Thomas Wozniak.

ÉNERGIE, ACCIDENTS ET POLLUTION

Le fonctionnement de l’usine équivaudra à la consommation de 20 000 habitants en électricité, de 700 habitants en eau…

« Si une 2ème ligne est crééé, ce sera un site Seveso » dit Thomas Wozniak, qui évoque l’existence de la commission de suivi du site Rockwool à Saint-Eloy-les-Mines, près de Clermont-Ferrand. « Selon ce comité de suivi, en 2018, le bilan des sinistres internes est le suivant : 2 déversements de produits, 31 départs de feu et 2 explosions. Alors, dire qu’il n’y a aucun accident, c’est mentir. »

Quant à la pollution de l’air, les riverains de l’usine du Puy-de-Dôme font face à des émissions d’ammoniac NH3, non conformes aux valeurs limites d’émission », « des émissions de poussières non conformes aux valeurs limites d’émission »… « À Soissons, poursuit Thomas Wozniak, les vents dominants viennent du sud-ouest, soit de l’usine vers Soissons. Les villages de Ploisy et de Courmelles, vu leur proximité et la hauteur des cheminées, seront préservés, mais les fumées finissent par retomber. Ça ira tout droit dans la cuvette de Soissons, à partir de Vauxbuin. Quelle va être la perte de la valeur immobilière de nos maisons ?

Toujours à Saint-Eloy-les-Mines, le contrôle des rejets dans l’air montre que « le taux de conformité global de ces rejets a été de 96,74% en 2017 et de 94,57% en 2018 », « Que dire des 5% restants, constitués de métaux lourds et gaz toxiques ? » se demande Thomas Wozniak, qui présente des observations de riverains de l’usine Knauf, autre site de fabrication de laine de roche à Illange en Moselle, compilées par l’association « Stop Knauf Illange qui regrettait l’inexistence d’un comité de suivi du site : « Nous n’en serions pas à émettre des hypothèses qui, même crédibles, ne valent pas une véritable information transparente telle que Knauf l’avait promise ». Les riverains mosellans disent avoir observé de dégagements de fumée contenant « vraisemblablement de l’arsenic en quantités inconnues », ou d’autres contenant des «poussières avec phénol, formaldéhyde, ammoniac, amines (très malodorantes) et Composés organiques volatils (COV) ». Les porteurs du projet rappellent que l’ATMO, organisme indépendant chargé d’évaluer la qualité de l’air, ont effectué des relevés normaux. « Oui, mais l’endroit où ces mesures ont été faites est situé avant l’usine, sur l’axe des vents dominants, soutient Thomas Wozniak. À Rockwool Soissons les élus locaux vendent la transparence et promettent que l’État sera là pour contrôler. »

C’est justement ce qu’a fait l’Autorité environnementale des Hauts de France, qui dit que « le dossier présenté comprend une étude d’impact incomplète et insuffisante » et que « suite à des compléments apportés au dossier (étude faune-flore, avec délimitation de zones humides notamment), une actualisation de l’avis de l’autorité environnementale a été sollicitée. Cependant les différentes pièces du dossier n’ont pas été actualisées entièrement et comprennent des incohérences qu’il conviendra de clarifier. Pour faciliter la compréhension du projet et assurer la lisibilité du dossier par le public, le présent avis porte sur l’ensemble du projet tel qu’il résulte du dossier actualisé et reprend les observations déjà formulées auxquelles aucune réponse n’a été apportée. « C’est un peu léger les infos pour un investissement à 130 millions… » commente Thomas Wozniak.

Les opposants considèrent que l’emploi a bon dos. Ils remarquent que Rockwool a choisi Soissons, « une ville sinistrée, comme toutes les usines de ce type, avec un taux de chômage important, et un tiers de sa population résidant en zone urbaine sensible… Aujourd’hui, sur Pôle emploi, 606 offres d’emplois sont non pourvues dans un rayon de 20 km, le taux de personnes sans diplôme à Soissons est de 30% » Concernant les transporteurs, il verse un autre document montrant que l’usine de Saint-Eloy-les-Mines fait appel à des sociétés basées dans toute la France : « Un exemple pour rappeler que les emplois ne bénéficieront pas forcément aux Soissonnais ». D’après l’AGGLO, 130 emplois sont attendus : 8 ingénieurs et cadres, 25 techniciens de maintenance, 25 opérateurs hautement qualifiés, 35 opérateurs qualifiés, 14 managers, 8 « fonctions supoort et 15 caristes. « Alors, quand j’entends l’argument de l’emploi « à tout prix » j’estime que le problème est surtout dans la formation », reprend Thomas Wozniak.

Karen Marchetti repren : « Lors de la concertation publique sur le climat organisée par la Région à Soissons le 15 septembre 2020, alors que les élus étaient interpellés sur la contradiction entre le projet Rockwool et les engagements régionaux pour le développement durable, il a été dit que notre monde n’est pas celui des Bisounours. La transition écologique ne serait rien face à la liberté d’entreprendre. Mais qui sont vraiment les Bisounours dans cette affaire ? Ce sont plutôt les élus qui ont donné les yeux fermés leur accord pour un projet d’un autre temps, une industrie énergivore, destructrice des ressources et déshumanisée. Un emploi par hectar pour 120 000 tonnes par an d’un produit dangereux pour la santé et pour l’environnement. Est-ce raisonnable ? »

Des alternatives existent, au moins concernant la fabrication d’isolant, selon Thomas Wozniak : «  À Laon, ils ont fait le pari du chanvre. Les agriculteurs locaux sont intéressés. C’est plus rentable que le blé. »

G.G