Avis d’un citoyen sur le projet d’installation de l’usine Knauf :
Monsieur le Préfet, Monsieur le Commissaire Enquêteur,
Dans le cadre de l’enquête publique en cours sur ce projet, je tiens à vous faire part de mon opposition à celui-ci. Après avoir assisté à la réunion d’information qui s’est tenue à Illange le mardi 11 Septembre 2018, je voudrais mettre en avant les points suivants :
– Comment peut-on encore à notre époque, et malgré tous les problèmes graves que nous connaissons depuis quelques années sur le dérèglement climatique et l’effet de serre dont est responsable le carbone diffusé dans l’atmosphère à partir de ressources fossiles, comment donc peut-on encore entrevoir d’utiliser le charbon comme combustible entrant dans le processus de fabrication des matériaux isolants que fabrique Knauf. Même les autorités chinoises ont interdit la construction de centrales électriques à charbon alors que cette source d’énergie se trouve en abondance chez eux. Il serait bon de se poser la question. Cela ne se fait plus chez eux et devrait se faire ici alors que nous sommes sensés avoir une avance technologique. Il y a de quoi rire – plutôt avoir honte en fait. Sans parler des milliers de km parcourus quotidiennement pour acheminer le combustible depuis l’Allemagne de l’Est ou la Pologne, par camion bien entendu. Rendez-vous compte des tonnes de carburant que cela va nécessiter, en plus de la pollution par le charbon. Et dans quel but ? Certainement pas celui de préserver la santé ni de limiter le dérèglement climatique.
– Knauf annonce qu’un manque flagrant d’isolation des bâtiments existe en Europe. Cela est certainement vrai mais cela oblige-t-il à utiliser des matériaux dont le processus de fabrication est fortement polluant car précisément, ainsi qu’ils l’ont dit eux-mêmes, leur groupe fabrique d’autres isolants beaucoup moins nocifs dans leur procédé de fabrication comme la laine de bois. Aussi on peut se poser la question de savoir pourquoi ils préfèrent développer la fabrication de cette laine de roche plutôt qu’un autre matériau. J’imagine que les coûts de fabrication ne sont pas les mêmes et qu’il est plus rentable d’utiliser du charbon qui ne coûte rien. Donc, encore une fois on sacrifie l’écologie à la rentabilité financière. Cela doit cesser absolument, nous nous trouvons dans une situation d’urgence et mettre en place cette chaîne de production relève de l’inconscience. Car cela serait synonyme de construire une centrale électrique à charbon sur le site d’Illange en 2018. Bravo, on recule de 100 ans.
– Le président du conseil départemental argue le fait que cela créera des emplois, soit-disant 120 postes, et donc il faut que cela se fasse pour faire baisser le chômage. Donc nous en sommes réduits au choix dramatique entre le chômage et l’empoisonnement. Voilà une bien curieuse manière d’entrevoir le développement et l’action publique. On n’aurait donc aucune issue. Si on veut créer de l’emploi, il faut détruire la planète. C’est ça le choix – est-ce un choix – que l’on a ? Je refuse cette vision simpliste et fausse de l’action, et de la vision politique. Sur le site de la mégazone d’Illange, on aurait pu profiter des terres agricoles pour créer des activités profitables à l’emploi, à la santé, à la planète en développant des activités non polluantes, comme l’agriculture bio par exemple. Par analogie, je trouve que l’activité de l’entreprise Knauf s’apparente plus au mode de production d’agriculture intensive à base de pesticides dont tout le monde se détourne en raison des conséquences dramatiques sur la santé. Aujourd’hui les gens se tournent massivement vers une autre agriculture plus saine et sans produits chimiques. Cela doit être identique pour les industriels. D’ailleurs, très récemment l’état a annoncé qu’il aller contraindre les industriels à ne plus fabriquer de plastique. Car nous n’avons pas le choix si nous voulons que ce monde soit habitable pour les générations suivantes. Le nier serait d’une irresponsabilité totale, la vôtre en particulier au moment de donner votre accord ou non.
– On a évoqué la proximité de l’école d’Illange à 350 m du site. Parfait, voilà des enfants à qui l’on explique ce qu’est le développement durable – je ne suis pas sûr que les initiateurs de ce projet aient entendu un jour ce terme – et dans la pratique, l’action politique conduit à la construction d’une usine crachant des fumées d’oxyde de souffre et autres. Sans compter que comme l’avait évoqué un médecin lors des débats, cette pollution va irrémédiablement provoquer des maladies extrêmement graves dans l’avenir. Mais comment peut-on avoir si peut de vision à long terme ? Et puisqu’on est dans le sinistre – on nous l’impose -, il vaut mieux des chômeurs que des cadavres. Mais surtout, la vision étriquée du développement telle que la présente le président du conseil départemental fait peur car elle balaie toutes les mises en garde et actions en faveur de la protection de la vie sur cette planète au profit d’une conception à court terme, passéiste et complètement déconnectée des aspirations (imposées par la gravité de la situation écologique) à œuvrer à la mise en place de solutions pérennes pour la vie sur Terre. Et qui créeront forcément de l’emploi. D’ailleurs, comme évoqué par une personne de l’assistance, pourquoi l’entreprise Knauf ne fabrique-t-elle pas de la laine de bois ou de chanvre, matériaux dont l’emprunte carbone est presque 10 fois moindre que celle de la laine de roche ? C’est vrai, puisqu’on veut faire rouler des camions (et au fait, qu’en est-il du fret fluvial porté notamment par le projet de développement du port d’Illange, créateur de milliers d’emplois, ce serait quand même plus simple), alors autant qu’il aillent récupérer les résidus des scieries dans les Vosges ou en Alsace et qu’on plante du chanvre sur le site de la mégazone et que l’on fabrique ces isolants verts. Ce serait un peu plus logique, raisonné et créateur d’emplois, à un niveau local en plus. Vous pensez que les ingénieurs français n’ont pas la science pour le faire ? Certes, cela sera plus coûteux, mais voilà, la rentabilité financière aura raison de la vie sur cette planète, le charbon de Pologne pourra s’expatrier joyeusement dans l’atmosphère et dans les poumons de habitants et de leurs enfants. Aussi, donner son aval pour la réalisation d’un tel projet, c’est se rendre coupable de l’empoisonnement de l’air par des fumées toxiques, ceci durant des dizaines d’années; c’est aussi contribuer activement au réchauffement climatique par l’emploi du charbon et des flux de transport routiers qui en résulteront – cette année on a encore battu des records de chaleur, vous en pensez quoi ? Qu’il faut continuer à vivre sur les énergies fossiles ? Pourquoi les constructeurs automobiles se tournent vers l’électrique ? Pourquoi les agglomérations vont imposer à leurs véhicules de transport en commun de passer au tout électrique entre 2020 et 2025 ? Pourquoi en France depuis des dizaines d’années on cherche des sources d’énergie autres que celles carbonées – nucléaire certes – mais aussi parcs éoliens sous-marins, photovoltaïque, … Le procédé de fabrication de Knauf est d’un autre temps, le mettre en place serait rétrograde d’un point de vue technologique, irresponsable d’un point de vue climatique et criminel d’un point de vue de la santé publique.
– Concernant l’hésitation de la part de l’industriel entre le site d’Illange et celui de Sanem, les propos avancés laissent quand même planer un certain doute, et même un doute certain, quant aux raisons véritables qui ont conduit à préférer le site français à celui luxembourgeois. Soit-disant, le contexte politique n’était pas assez serein ; je ne vois pas en quoi ce genre de considération aurait des répercussions sur la productivité et le développement de l’industriel. Les contradictions du débat politique font partie de la vie d’un état démocratique et n’empêchent pas les entreprises de fonctionner. Le Luxembourg est à priori un état moderne ouvert à la libre entreprise, même lorsqu’elle n’est pas financière spéculative donc pourquoi refuser de s’y installer ?
– Dans le même ordre d’idée, ne pensez-vous pas qu’il eût été plus logique pour Knauf de s’implanter en Allemagne à proximité des fameuses mines de charbon pour y produire ses matériaux et ainsi éviter des coûts de transport non négligeables. Comment se fait-il donc que cela ne se fasse pas ? N’importe quel économiste trouvera que le choix du site d’Illange est absurde d’un point de vue de la logistique. Donc on peut raisonnablement se demander si Knauf n’est nul part le bienvenu et que le président du conseil départemental, en désespoir de trouver un industriel pour le site de la mégazone (après le naufrage du projet Itec et des millions d’argent public gaspillés), a accepter la proposition de ce groupe. Dans tous les cas, on est très loin des milliers d’emplois promis par le président du conseil départemental à grands coup (coût) de communication, en pure perte depuis 1998. Est-on alors obligé de sacrifier l’environnement et la santé publique pour un tel projet ?
– Et quant aux emplois à priori annoncés, il ne faut pas s’y méprendre : une bonne partie des postes de maîtrise d’ouvrage seront de fait occupés par du personnel déjà présent dans le groupe Knauf car devant guider les travaux et les chaînes de production. Aussi, le nombre de création de postes pour la région risque d’être assez limité. On va donc exposer les habitants de la région à une pollution inacceptable pour seulement quelques dizaines d’emplois. Si on compte le nombre de cancers que cela engendrera, le coût pour la collectivité sera certainement beaucoup plus important qu’une perte théorique d’emplois pour l’instant inexistants. J’avance froidement des considérations comptables et financières car de toute manière, et depuis le début, l’aspect humain n’est pas pris en compte par les commanditaires du projet. Seuls comptent l’augmentation de la production, la perspective d’ouvrir de nouveaux marchés, car nous avons à faire à des entrepreneurs, pas des thérapeutes, qui ne se soucient guère des conséquences de leur affaire sur la santé des gens. Avec la bénédiction du conseil départemental et une bonne partie des élus locaux – mais pas tous comme en témoignent les refus affichés par les communes de Stuckange et de Distroff récemment. C’est scandaleux.
Au final, on va sacrifier la santé de milliers de personnes, dégrader encore davantage l’environnement, pendant des dizaines d’années, sans parler du bruit permanent de 6h00 du matin à 22h00 comme annoncé, les conséquences pour le trafic routier déjà complètement saturé. Quelle vision à court terme désastreuse.
Avec de tels raisonnements, on peut réellement avoir peur pour le devenir de la vie sur cette planète tant l’aveuglement par l’argent et le profit immédiat guident les décisions de certains hommes politiques et entrepreneurs.
Je vous remercie de l’attention que vous porterez à mon courrier et vous prie d’agréer, Monsieur le Commissaire Enquêteur, Monsieur le Préfet, l’expression de mes respectueuses salutations.