Contamination des rives et abords du lac Vlasina par des métaux lourds

Vendredi 21 février 2020
Traduction de cet article

Le Dr Mirjana Andjelkovic Lukic (docteur en sciences, ancienne ingénieure chimiste aux Armées) écrit au blog « J’aime Surdulica » à propos de la pollution actuellement constatée sur les rives du lac Vlasina (à 20 km de Surdulica, en altitude) par les métaux lourds.

Je la remercie de sa participation active et de son analyse professionnelle de la situation.

« Cet automne et cet hiver, la Serbie a été fortement polluée par des aérosols contenant des microparticules (PM) de 10, 2,5 et 0,1 microns ainsi que des gouttelettes de gaz toxiques. Une station de mesures privée a enregistré des résultats montrant que Surdulica était l’une des villes les plus polluées de Serbie pendant cette période. Malheureusement, la municipalité de Surdulica n’est pas parvenue à installer les appareils de mesure officiels pourtant promis aux citoyens.

Il est médicalement prouvé qu’environ 6 000 personnes meurent chaque année du fait de la pollution de l’air en Serbie.

L’air, source indispensable de la vie, doit être à chaque instant protégé de tous ces polluants qui ont de très néfastes effets sur la santé humaine. Toute la population est exposée à l’air pollué et des groupes vulnérables d’êtres humains : enfants, personnes âgées et diverses catégories de patients aux maladies chroniques sont particulièrement exposés à ces poisons.

La qualité de l’air est déterminée en mesurant la concentration de polluants dans l’air, à un endroit et à un moment précis.

Les polluants présents dans l’air ambiant n’endommagent pas tous les organismes dans la même mesure. Les voies respiratoires sont les organes les plus sensibles aux effets des polluants. 

L’origine de ces particules et produits toxiques est principalement l’industrie, grande émettrice de composés polluants. En cause, l’industrie chimique, l’industrie métallurgique, les usines de transformation, les centrales de production d’électricité qui utilisent de grandes quantités de combustibles fossiles, principalement du charbon.

La production de laine de roche est reconnue comme l’une des principales sources de pollution par ses rejets dans l’air de formaldéhyde, de phénol, de chlorure d’hydrogène, de dioxyde de soufre, de monoxyde de carbone, de monoxyde d’azote, de dioxyde nitrique et d’ammoniac.

D’autres polluants spécifiques sont émis par certaines industries et qui sont les composés organiques volatils (COV), les hydrocarbures aromatiques dont principalement les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les dérivés halogénés, les aldéhydes, les composés halogénés de fluorure d’hydrogène (HF) et d’acide chlorhydrique (HCl) ainsi que des métaux lourds comme le nickel, le manganèse, le chrome, le cadmium, le mercure, le plomb, l’arsenic et autres.

A long terme, une exposition aux microparticules, même à de faibles concentrations, peut être cause de mortalité et contribue en tout cas à l’augmentation des taux de bronchite, à l’altération des systèmes pulmonaires ainsi qu’à des modifications génétiques. Les études menées indiquent que l’espérance de vie peut être raccourcie de plus d’un an dans les lieux exposés à des concentrations élevées de PM10 par rapport à ceux exposés à de faibles concentrations.

Les sources les plus importantes d’émission de métaux lourds dans l’atmosphère sont la production d’énergie, l’exploitation minière, les procédés de fusion de minerais et de roches, la combustion de combustibles fossiles, et l’incinération de déchets. La pollution atmosphérique élevée résulte donc bien principalement des activités humaines.

Après avoir été libérés dans l’atmosphère, les polluants se déposent à la surface de la terre et sur les végétaux dans lesquels ils pénètrent et s’accumulent. Les sols reçoivent en surface des dépôts (humides ou secs) chargés de traces de métaux selon un processus permanent et omniprésent, avec des taux et des quantités variables selon la proximité de la source de la pollution.

En général, le cadmium, le plomb, le chrome, le cuivre, le zinc, l’arsenic, le mercure et le nickel sont les métaux lourds les plus dangereux de l’environnement et peuvent causer de graves problèmes de santé s’ils pénètrent dans la chaîne alimentaire humaine.

Le cadmium, par exemple, est depuis longtemps reconnu comme l’un des éléments les plus toxiques car persistant et bioaccumulable, cancérigène, mutagène et possible générateur d’affections de la fonction reproductrice. Les plantes l’ingèrent facilement. Dans le sol, le cadmium ci est facilement absorbé par les minéraux argileux, il est très labile*, en particulier dans des secteurs à potentiel hydrogène (pH) bas, donc en milieu acide, et étant très mobile dans le monde végétal, il entraîne par là-même des problèmes de santé chez l’homme.

La teneur en cadmium du matériau échantillonné sur les sols de Vlasina, 3,125 mg/kg, est presque quatre fois supérieure à la valeur limite maximale autorisée par la réglementation nationale : 0,8 mg/kg.

La teneur en cadmium relevée dans les massifs de plantes médicinales rampantes, comme le millepertuis et le millefeuille « Achilée », oscille entre 1 et 0,807 mg/kg. La concentration de 0,10 mg de cadmium par kg de poids sec de végétation peut être considérée comme critique.

D’où peut venir le cadmium trouvé dans le sol autour du lac Vlasina ? On sait que les microparticules (PM) émises par la cheminée de Knauf peuvent parcourir de longues distances, de l’ordre de 40 kilomètres pour les plus fines, et qu’en raison de cette faculté de dispersion lointaine sur les sols où les plantes l’absorbent, l’usine Knauf, distante de 25 km environ, peut donc être une source de cette pollution. 

Lors de prélèvements de terre effectués à Surdulica, à proximité immédiate de l’usine Knauf, un laboratoire réputé de Novi Sad a fait état de la présence de métaux lourds et en premier lieu de cadmium et de nickel. Les vents et les masses d’air en déplacement véhiculent les polluants sur de longues distances, les déposant là où nous ne les attendions pas et où ils ne devraient jamais être et il s’en trouve maintenant autour du lac Vlasina, cette perle de la nature serbe, l’une des zones naturelles les plus étroitement protégées du pays.

Si la pollution continue de la cheminée de l’usine de Knauf persiste, le lac Vlasina et ses abords deviendront bientôt pollués et les fruits sur les rives, les bleuets, les fraises des bois, les framboises, les mûres et les herbes médicinales deviendront dangereux pour la santé humaine.

La municipalité de Surdulica, qui gère cette perle de la nature, ainsi que les autres espaces naturels protégés, doit réagir de toute urgence et interdire le fonctionnement de cette usine, source de pollution, aujourd’hui encore autorisée, ou la faire déplacer vers un autre endroit moins vulnérable. »

Dr Mirjana Andjelkovic Lukic

L’article reprend des points présentés devant le premier congrès international des médecins à Kosovska Mitrovica, en novembre 2019.

*labile : terme de chimie pour signifier un un élément instable, facilement détachable, comme certaines protéines.